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La "culture commune", enjeu des Rencontres nationales de l'Education (Rennes et Ligue de l'enseignement)

Paru dans Scolaire, Périscolaire le jeudi 16 octobre 2014.

"Ce terme de 'culture commune' n’a rien d’évident." Cette remarque d’un observateur, en marge de la première journée des "Rencontres nationales de l’éducation", hier 15 octobre, définit assez bien l’ambition de cette manifestation organisée par la Ligue de l’enseignement et la Ville de Rennes. Cet "espace de réflexion, de rencontre, de confrontation...", pour reprendre la formule de Jean-Michel Ducomte, le président de la Ligue, a vu les points de vue de chercheurs et d’acteurs se répondre et se compléter pour refuser une définition purement patrimoniale de la culture. Celle-ci ne saurait se résumer à "la somme des programmes scolaires". L’Ecole a bien une fonction spécifique, mais elle ne peut prétendre l'assumer seule, puisqu’il s’agit de "vivre ensemble demain".

C'est pourquoi il ne saurait y avoir de culture commune sans invoquer les grands enjeux du savoir pour chacun de nous, en tant qu'êtres humains. C’est notamment la position qu’a développée Michel Develay (sciences de l’éducation, Lyon-II). Aux élèves qui demandent "à quoi ça sert?" de savoir calculer la longueur d'une hypoténuse par exemple, on répond trop souvent "tu verras plus tard", et "on légitime le présent par le futur". Il faudrait au contraire légitimer "le présent par le passé", ne pas se contenter de faire apprendre le théorème de Pythagore, mais raconter la vie de cet ancien champion de pugilat, le situer dans l’histoire, expliquer quels problèmes il cherchait à résoudre quand il a mis en relation les divers côtés d’un triangle. Un savoir est un héritage, le legs d’hommes et de femmes qui les ont élaborés dans des contextes donnés. Il est aussi une tentative pour répondre aux inquiétudes de l’humanité. Jamais la biologie n’épuisera la question de l’origine de la vie et une simple droite nous confronte à l’idée d’infini. Le savoir permet à chacun de prendre conscience qu’il appartient "à un tout qui le déborde". Et chaque enseignant devrait avoir pour chaque niveau de classe et pour chaque discipline, conscience des "trois idées principales" qui la structurent et qui en font un enjeu essentiel pour leurs élèves.

"Ce que l'on attend des enseignants est très difficile"

Dès lors, quelle est la posture de l’enseignant ? Est-il le gardien d’une vérité une et indivisible ? Le savoir n'est-il pas comme l’horizon qui recule à mesure qu’on avance ? Il n’offre que des réponses transitoires, et l’homme a constamment remis les savoirs sur le métier... Ghislaine Desbuissons s’inquiète. Inspectrice générale de l'Education nationale, elle pense à ces professeurs qui incarnent leur discipline avec passion, et dont les élèves perçoivent le sens de ce qu’ils font, mais aussi à ces autres enseignants qui "s’intéressent plus aux résultats qu’aux questions, qu’à la démarche..." Mais elle reconnaît volontiers que la refondation suppose "une école très exigeante pour les enseignants" et que "ce que l’on attend d’eux est très difficile".

Pour Didier Jacquemain (Les Francas), le monde de l’éducation populaire peut contribuer à l’accès à un certain nombre de savoirs, à condition de ne pas les hiérarchiser, de prendre au sérieux le "savoir vivre ensemble", de "déconstruire un certain nombre de modèles, de "réfléchir de manière globale". Mais cela suppose aussi de transformer notre modèle éducatif, fondé à une époque où tout un chacun, quel que soit le bagage avec lequel il sortait de l'Ecole, trouvait sa place dans la société et de prendre en compte les besoins exprimés sur les territoires. Eric Favey (Conseil supérieur des programmes) évoque d'ailleurs la nécessité de "mobiliser les savoirs disponibles sur un territoire". Et il souligne que pendant longtemps, dans une société très organisée autour de principes communs, l'enjeu a été "de faire des individus". Aujourd'hui, dans une société très individualiste, l'enjeu est de "faire du commun".

Ne pas nier la spécificité de l'Ecole

Mais les acteurs éducatifs n'ont pas tous le même rôle, et il ne s'agit pas de nier la spécificité de l'Ecole, qui est un espace de "mise à distance" des savoirs. C'est d'ailleurs l'un des points qui ressort de l'usage du "livret de compétences expérimental" à Issy-les-Moulineaux; il permet de valoriser des compétences acquises par des collégiens hors temps scolaire. Les attestations qui sont délivrées peuvent "aider à l'obtention du brevet", mais certains élèves refusent leur transmission à l'établissement. Ce qu'ils font en dehors ne regarde qu'eux... Pour sa part, Françoise Lorcerie (CNRS) constate que les différents intervenants sur un territoire n'ont "pas de référentiel commun".

Elle propose d'ailleurs une autre définition de la "culture commune". Quelles que soient leurs origines, les adolescents partagent "les mêmes façons de voir" et "ils connaissent les règles de l'école", une forme de culture commune qui n'a rien à voir avec "la culture des programmes"; force est de constater que l'Ecole "ne fabrique pas toujours ce qu'elle souhaiterait produire". Si elle conteste vigoureusement l'idée que des communautarismes cliveraient effectivement la société, comme certains discours le prétendent, elle refuse également l'uniformité. L'objectif n'est pas que tous aient les mêmes choses, mais qu'ils aient la liberté de prendre des initiatives... A tout le moins, il s'agit de trouver un point d'équilibre entre "un universalisme prétentieux et un relativisme paresseux", souligne Jean-Michel Ducomte.

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